L’objet de ce colloque sera d’étudier les collections privées ou publiques liées à l’Extrême-Orient dans une perspective contemporaine. Si notre ambition sera d’accorder une large place à l’art contemporain, les collections envisagées pourront également rassembler des objets plus anciens, et pas seulement des objets d’art. Le terme « Extrême-Orient » sera ici compris dans un sens large, incluant les îles de l’Asie de l’Est et du Sud-Est. L’approche sera interdisciplinaire, mêlant histoire de l’art, esthétique, anthropologie, sociologie, économie ou même politique. Nous proposons les quatre panels suivants :
Panel I : Profils et motivations des collectionneurs
Les collectionneurs privés sont des passionnés des cultures visuelles et matérielles de l’Extrême-Orient. En Chine, depuis les années 2000, le nombre de collectionneurs augmente à une vitesse vertigineuse, en même temps que se développe un marché de l’art en pleine expansion : la collection d’art est devenue avant tout un symbole de réussite sociale pour gens fortunés ou nouveaux riches et pour une partie de la classe moyenne qui compte environ 400 millions de personnes. Désormais, les collectionneurs occidentaux ne sont plus seuls actifs sur le marché de l’art chinois, loin s’en faut. Parmi les différentes strates connues de collectionneurs (fortunes établies, jeunes employés dynamiques, universitaires avec un budget limité, bourgeois tendance qui investissent de nouveaux quartiers, etc.), deux catégories notamment se démarquent au Japon : celle des grands entrepreneurs et, plus récemment, celle des « collectionneurs salariés ». Les premiers préfèrent ouvrir des fondations plutôt que de spéculer, se sentant investis d’une mission sociale. Forts du soutien de leurs entreprises respectives, ils ont ouvert la voie à un modèle original de mécénat à la japonaise. Les seconds, bénéficiant d’un revenu sinon confortable, du moins régulier, sont le symbole de l’accès au loisir de la collection d’une classe moyenne éduquée. Par leurs diverses stratégies d’acquisitions et leurs relations aux diverses institutions, ils font vivre le marché de l’art au quotidien. Dans cette première session, nous ferons un point sur les profils socio-économiques des collectionneurs en Extrême-Orient et analyserons leurs motivations pour amasser objets d’art et artefacts asiatiques. De fait, il faut nécessairement faire la part entre les désirs d’ordre psychologique, souvent invoqués, et l’idée d’un investissement qui peut éventuellement être monétarisé (avec un profit dans le futur). Par ailleurs, que penser du prestige et de la hausse du statut social des propriétaires de collections jugées « importantes » ? Les collectionneurs privés de ce type peuvent-ils prétendre contribuer à enrichir la connaissance scientifique des cultures visuelles et matérielles asiatiques ?
Panel II : Collections institutionnelles et collectives
Si au Japon, l’État agit relativement peu sur la scène artistique (les marges de manœuvre de l’Agence pour les Affaires culturelles pour soutenir les artistes apparaissent limitées pour des raisons budgétaires, tandis que la politique fiscale à l’égard des collectionneurs, des mécènes et des fondations demeure timide), il n’en est pas forcément de même en Chine, en Corée, ou ailleurs. En Chine, l’Etat accorde ouvertement son soutien au monde de l’art depuis les années 1990, et plus encore depuis l’an 2000, en finançant et en organisant des expositions qui relèvent notamment de l’art contemporain chinois, cherchant ainsi à manifester son implication dans la mondialisation économique. Partout, l’État se pose en collectionneur grâce à l’entrée des collections privées dans le patrimoine public. Si le développement de ce type de collections a varié au cours du temps, avec une baisse notable dans la période récente au Japon, les musées n’en demeurent pas moins un débouché important pour les galeristes. Quand ils choisissent d’exposer – et à plus forte raison d’acquérir – les œuvres de jeunes artistes, les gains pour ces derniers, en tout cas sur le plan symbolique, sont considérables. Quel est donc l’impact de ces collections collectives sur l’évolution des cotes des artistes, ou en termes de soutien à l’art contemporain ? Comment faire la part entre un « art orienté musée » et un « art orienté marché » ? Les entreprises peuvent-elles encore peser dans les collections au vu de la pression accrue de leurs actionnaires, dans un secteur – la culture – réputé moins « rentable » que le sport ou l’environnement ? Quelle est la part des arts visuels dans leurs actions de mécénat en Asie extrême-orientale ?
Panel III : Collections : regards croisés
Si les Occidentaux collectionnent peu le jade, les éventails ou les estampes, leur préférant largement la peinture à l’huile, les Asiatiques, eux, acquièrent volontiers les calligraphies, les peintures à l’encre monochrome ou la céramique… Dans le cadre de ce panel, il conviendra d’étudier, à l’ère de la mondialisation et de l’ouverture extraordinaire du marché de l’art aux cultures les plus diverses, la manière dont un imaginaire est perçu par un autre. On pourra aussi être attentif à la manière dont les frontières entre art, artisanat et objets de tous genres s’estompent. On pourra analyser les collections d’art extrême-oriental en Europe, par exemple, ou bien les collections d’art occidental au Japon ou en Chine. L’angle de vue contemporain viendra compléter certaines recherches déjà effectuées sur ce phénomène dans le passé. Comment tel collectionneur européen contemporain ou tel musée public effectue-t-il ses choix parmi des œuvres asiatiques ? Quel en sera l’impact sur la scène artistique locale ? On pourra s’interroger sur les stratégies des collectionneurs occidentaux qui s’associent avec une forme exotisante et souvent idéalisée de l’Autre asiatique. Quelle sera la vision d’un collectionneur taiwanais sur l’art européen ? Comment un galeriste japonais envisagera-t-il l’art chinois contemporain? Ce sera aussi l’occasion d’évoquer les différences de conception de la collection en Extrême-Orient et en Occident, ainsi que les conséquences de la mondialisation : ainsi, les différences entre art occidental et asiatique ne tendent-elles pas à s’estomper aujourd’hui ?
Panel IV : Marché de l’art et enjeux identitaires
Selon une enquête récente (2014) effectuée pour la maison aux enchères internet Artprice.com, une multinationale basée à Lyon, 53 des 100 artistes contemporains les plus cotés sur le marché de l’art mondial sont d’origine asiatique, avec une forte majorité d’artistes chinois. La création récente des Art Fairs et des Biennales en Asie prend en effet beaucoup d’ampleur : « Art Basel Hong Kong », « Art Fair Tokyo » et « Art Revolution Taipei » par exemple. Le dynamisme des économies et des technologies dans les pays de l’Extrême-Orient joue sans doute un rôle important : plusieurs travaux ont en effet démontré que, a contrario d’une idée communément admise selon laquelle « l’art n’a pas de frontière » ou que la nationalité n’a pas d’impact sur les cotes des artistes, les classements des artistes sur le long terme placent toujours les pays les plus forts économiquement au sommet du marché de l’art. Par ailleurs, les créateurs des collections de l’art et des artefacts asiatiques veulent-ils exprimer un aspect de leur identité nationale et ethnique (« indigénisme ») à travers leurs collections ? La collection d’objets asiatiques n’est pas une affaire neutre mais inclut des enjeux identitaires pour lesquels les collectionneurs sont prêts à payer des prix de plus en plus élevés.
Les propositions de communication (un titre, un abstract de 500 mots maximum, une bio-bibliographie de 10 lignes maximum et 5 mots-clés en anglais ou en français) seront à envoyer pour le 30 juin 2015, délai de rigueur, à Cléa Patin (cleapatin@gmail.com) et Marie Laureillard (mlaureillard@free.fr).
Le Comité scientifique se réunira début juillet pour établir le programme des communications du colloque. Les réponses seront communiquées le 15 juillet 2015. Les communications ne devront pas excéder 20/25 minutes afin que chaque intervention puisse donner lieu à une discussion ouverte. Les langues des communicants seront l’anglais ou le français.
A l’issue du colloque, les intervenants seront invités à transmettre une version rédigée de leur communication. Cette dernière fera l’objet d’une expertise en vue d’une publication des actes.
Colloque organisé par l’Université de Lyon et l’Université nationale de Taiwan les 24 et 25 mars 2016 à Lyon
Appel à communication en pdf : Conference collectors call for papers
Comité scientifique :
- Annie Claustres (MCF HDR Histoire de l’art contemporain, université Lyon 2), Christophe Comentale (Conservateur en chef, Musée de l’Homme, Paris),
- Marie Laureillard (MCF Langue et civilisation chinoises, université Lyon 2),
- Liu Chiao-mei (MCF Histoire de l’art, université nationale de Taiwan),
- Cléa Patin (MCF Langue et civilisation japonaises, université Lyon 3),
- Paul van der Grijp (Professeur Anthropologie, université Lyon 2)
Comité d’organisation : Marie Laureillard, Cléa Patin, Paul van der Grijp
(Université Lyon 2, Université Lyon 3, ENS, Musée des Confluences, Université Nationale de Taiwan)
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CALL FOR PAPERS
Conference collectors call for papers
The Far East : collectors and collections today
Conference organised by the University of Lyon and National University of Taiwanon 24th and 25th March 2016 in Lyon
The objective of this conference is to study private and public collections connected to the Far East from a contemporary perspective. While we intend to pay particular attention to contemporary art, the considered collections can also be focused on more ancient objects, and not only on art objects. The term “Far East” will be here understood in a broad sense, including the islands of East Asia and South East Asia. The approach will be interdisciplinary, combining art history, aesthetics, anthropology, sociology, economics or even politics. We will divide the conference into four panels:
Panel I: Profiles and motivations of the collectors
Private collectors are enthusiastic about the visual and material cultures of the Far East. In China, since the 2000s, the number of collectors is growing at breakneck speed, at the same time as a booming art market has been developing: the art collection has become above all a status symbol for the wealthy and new rich and for a part of the middle class which numbers about 400 million people. From now on, Western collectors are far from being the only ones who are active on the Chinese art market. Among the various kinds of collectors (established fortunes, dynamic young employees, academics with a limited budget, fashionable bourgeois who invest in new neighborhoods, etc.), two categories in particular stand out in Japan: the one of the great entrepreneurs and, more recently, that of “salaried collectors”. The former, feeling themselves invested with a social mission, decide to open foundations rather than to speculate. With the support of their respective companies, they have opened the way for an original sponsorship model in a Japanese-style. The latter, enjoying a comfortable or at least regular income, are the symbol of an educated middle class acceding to the leisure of collecting. Through their various strategies of acquisitions and their relationship to various institutions, they daily sustain the art market. In this first session, we will focus on the socio-economic profiles of collectors in the Far East and will analyze their motivations to accumulate Asian art objects and artifacts. In fact, it is necessary to distinguish between psychological desires and ideas of an investment that can potentially be monetized (with a profit in the future). Moreover, what about the prestige and the social status of owners of collections which seem to be “important”? Can this type of private collectors claim to be contributing to increasing the scientific knowledge of Asian visual and material culture?
Panel II: Institutional and Collective Collections
Whereas the Japanese state is little active on the art scene (the possibility of the Agency for Cultural Affairs to support artists appears to be limited for budgetary reasons, while fiscal policy towards collectors, sponsors and foundations remains tentative), it is not necessarily the same case in China, Korea or elsewhere. In China, the state has openly supported the art world since the 1990s, and especially since 2000, by financing and organizing exhibitions, which are often related to Chinese contemporary art, trying to demonstrate its involvement in economic globalization. Everywhere, the state acts as a collector by bringing private collections into the public cultural domain. Whereas the development of such collections has changed over time with a significant decline in recent years in Japan, the museums still provide an important outlet for gallery owners. When they decide to exhibit – and even more so to acquire – the works of young artists, profits for the latter are substantial, at least symbolically. So what is the collective impact of these collections on the movements of prices of an artist’s work, or in terms of support for contemporary art? How can we distinguish between “museum-oriented art” and “market-oriented art”? Can companies still influence collections in the light of the increased pressure from shareholders in a sector – culture – allegedly less “profitable” than sport or environment? What role do visual arts play in their sponsorship activities in Far East Asia ?
Panel III : Collections: Intersecting Views
Whereas Westerners don’t often collect jade, fans or prints, preferring oil painting, Asians want to acquire calligraphy, paintings in monochrome ink or ceramic … In this panel, we will study how the fantasies from a country are perceived in another one in this time of globalization and of an extraordinary opening of the art market to the most diverse cultures. We can also pay attention to the way boundaries between art, crafts and objects of all kinds fade. We can analyze Far Eastern art collections in Europe, for example, or Western art collections in Japan or China. The contemporary perspective will complete some research already done on this issue in the past. How does a contemporary European collector or a public museum select Asian works ? What is his impact on the local art scene ? We can question the strategies of Western collectors who associate themselves with an exotic and often idealized form of the Asian Other. What is the vision of a Taiwanese collector about European art ? How does a Japanese gallery owner consider contemporary Chinese art? It will also be an opportunity to discuss the differences in the way of collecting in the Far East and the West, as well as the consequences of globalization, since the differences between Western and Asian art tend nowadays to disappear.
Panel IV: Art market and identity issues
According to a survey which was performed in 2014 on behalf of the internet auction house artprice.com, a multinational company based in Lyon, 53 of the 100 most valued contemporary artists on the world-wide art market have Asian origins, among them a big Chinese majority. The recent creation of the Art Fairs and of the Biennales in Asia becomes more and more important, for example “Art Basel Hong Kong”, “Art Fair Tokyo”, and “Art Revolution Taipei”. The dynamics of the economy and the technologies in the countries of the Far East play without any doubt an important role: several works actually showed that, contrary to the common idea that “art does not have frontiers” or that nationality does not have any impact on the rating of the artists, the long-term classification of the artists always places countries with the highest economic power on the top of the art market. Furthermore, do the creators of art collections and Asian artefacts want to express an aspect of their national and ethnic identity (“indigenism”) by means of their collections? Collecting Asiatic objects is not a neutral affair but includes identity issues for which collectors are willing to pay higher and higher prices.
Proposals for papers (title, an abstract of at most 500 words, bio-bibliography of at most 10 lines, and 5 keywords in English or French) should be sent by 30th June 2015 to Cléa Patin (cleapatin@gmail.com) and Marie Laureillard (mlaureillard@free.fr).
The scientific committee will meet at the beginning of July to establish the programme of the conference. Notification of acceptance will be given on the 15th July 2015. The talks must not exceed 20/25 minutes to allow an open discussion after every talk. Presentations may be in English or in French.
Speakers will be asked to send a revised version of their paper by the end of the conference which will be examined with regard to a publication of the proceedings.
Scientific committee:
- Annie Claustres (Associate Professor in History of contemporary art with an Accreditation to supervise research, Lyon 2 University),
- Christophe Comentale (Chief Curator, Musée de l’Homme, Paris),
- Marie Laureillard (Associate Professor in Chinese Language and Civilisation, Lyon 2 University),
- Liu Chiao-mei (Associate Professor in Art history, National University of Taiwan),
- Cléa Patin (Associate Professor in Japanese Language and Civilisation, Lyon 3 University),
- Paul van der Grijp (Professor in Anthropology, Lyon 2 University)
Organising committee: Marie Laureillard, Cléa Patin, Paul van der Grijp
(Lyon 2 University, Lyon 3 University, Ecole Normale Supérieure, Museum of Confluences, National University of Taiwan)
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